Par Véronique Châtel
paru en mai 2017
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Une autre idée de la solidarité intergénérationnelle

Débarquant du Bénin à 17 ans, Rétis s’étonne qu’en France, les « vieux » soient mis de côté. En réaction, il s’engage comme petit frère.
Sans doute que parmi ceux qui le croiseraient par hasard, à la tombée de la nuit, dans l’ouest bétonné de la banlieue parisienne, certains hésiteraient à poursuivre leur chemin. Sa carrure puissante, modelée dans les salles de sport, et la couleur de sa peau véhiculent le stéréotype du jeune de banlieue possiblement inquiétant. Ce stéréotype vole en éclats dès qu’il se rapproche : son regard, grand ouvert sur l’autre, son large sourire qui lui creuse des fossettes sur les joues sont bien trop avenants pour laisser perdurer la mauvaise suspicion. D’ailleurs, si Rétis se trouve là, en bas de ces immeubles de banlieue, c’est parce qu’il est en mission.

Photo : Francine Bajande


Cela fait six ans qu’il est un petit frère à l’association les petits frères des Pauvres. Une fois par semaine, il rend visite à une personne âgée isolée. Depuis quelques mois, c’est chez Évelyne qu’il vient passer une heure ou deux. D’ailleurs, elle l’attend. Il n’est pas encore sorti de l’ascenseur que déjà sa porte est ouverte. « Salut Rétis ! Entre. J’ai acheté des chouquettes, si ça te tente. »

Choc culturel


En vrai, Rétis est à la fois petit frère et grand frère dans une fratrie de cinq, séparée depuis peu. Ses parents, fonctionnaires béninois en poste à Paris pendant plusieurs années, sont retournés au Bénin avec leurs deux filles, tandis que leurs garçons sont restés en France. « C’est devenu notre pays », explique Rétis, qui vient d’élire son premier président de la République. Pour autant, sa culture africaine ne s’est pas complètement dissipée. Il en a conservé un rapport au temps particulier. « Ici, les gens courent sans arrêt. Essaient d’aller plus vite que le voisin. Mais pour aller où ? Hein ? Au final, on va tous au même endroit, non ? » Alors, le temps, il ne le compte pas que pour son seul usage personnel. Il le partage. Il en donne. En ce dimanche de Pâques, il a fait quarante kilomètres pour venir voir Évelyne. Une septuagénaire qui vit seule parce que son mari l’a « plaquée », que sa fille a fait sa vie et qui se sent seule, « surtout le soir et le dimanche », parce qu’elle a perdu de vue ses anciennes collègues de bureau, que les gens qu’elle fréquente dans la chorale où elle chante et à l’aquagym ne sont pas liants et qu’avec les voisins c’est bonjour-bonsoir. Rétis vient donc lui témoigner qu’elle n’est pas oubliée par la collectivité. C’est l’autre forte empreinte de l’Afrique en lui : le sens de la solidarité communautaire. « Chez nous, les vieux ne sont pas mis de côté. Ils font partie du groupe jusqu’au bout. »

Scène originelle bouleversante


Et de raconter une scène marquante survenue peu de temps après son arrivée en France. Il avait 17 ans, il attendait le bus à Saint Cloud, où il habitait avec toute sa famille, et il a été témoin d’une scène qu’il qualifie encore de « révoltante ». « Une vieille dame tirant un caddie rempli de courses traversait péniblement un passage clouté quand une voiture est arrivée, freinant au dernier moment. Le conducteur s’est mis à klaxonner pour lui faire hâter le pas. Mais cela a produit le résultat contraire : paniquée, la dame s’est arrêtée au milieu de la route. Le conducteur a klaxonné de plus belle, descendu sa vitre pour envoyer des insultes, mais la dame médusée ne bougeait plus. » Tout en allant lui prêter main-forte, Rétis s’est demandé sur quel continent il était tombé. « Comment peut-on manifester une telle agressivité à l’égard d’une personne juste parce qu’elle est jugée lente

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