Par Véronique Châtel
paru en septembre 2017
Aider N° 2
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    4 heures de maraude avec la mission SDF de Médecins du monde

    Vivre dans la rue nuit gravement à la santé. C’est pourquoi Médecins du Monde a créé une mission SDF qui tourne dans Paris du mardi au vendredi, de 20h30 à minuit pour aller au devant des personnes sans domicile fixe, identifier leurs problèmes médicaux et les orienter vers les structures adéquates. Nous sommes montés dans le camion de maraude avec Angela, Maria-Clara et Élie, l’équipe du jeudi.
    Photos Serge Verglas 



    20 h

    C’est l’heure à laquelle Angela, 33 ans, aime arriver à la permanence de Médecins du Monde. Ça lui laisse une demi-heure pour couper avec sa journée de médecin généraliste au pôle psychiatrie précarité du GHT* de Paris et se glisser dans son gilet de médecin bénévole. Élie, 24 ans, le logisticien salarié à mi-temps, est déjà là qui prépare du café. Il y a deux thermos à remplir. « Nous abordons les personnes que nous rencontrons dans la rue en leur proposant un café ; ça leur fait plaisir, car elles ont rarement accès aux boissons chaudes et ça permet d’amorcer le dialogue dans une ambiance conviviale ».



    20 h 20

    Rejoints par la psychologue bénévole, Maria-Clara, 24 ans, Angela et Élie organisent leur périple du soir. Qui aller voir en priorité ? Alain qui vit du côté de République et a des problèmes dermatologiques ? Igor, un jeune polonais, qui a été vu par l’équipe de maraude de la veille du côté de Voltaire et et s’est plaint de douleurs gastriques ? Samir qui bivouaque dans le 17e arrondissement et souffre régulièrement de douleurs dans les jambes ? Angela, co-responsable de la Mission SDF de Médecins du Monde, lit les observations des équipes de maraude des jours précédents. Et décide que ce soir le camion démarrera par la place Voltaire. « On y va » ?

    20 h 45

    Le gros camion blanc de la mission SDF se met en route. Élie est au volant. À ses côtés, sur la banquette de devant, Angela et MariaClara. Ils discutent tous les trois. De ceux qu’ils aimeraient revoir et de la température élevée de ce soir d’été. Il fait si chaud que les SDF ne sont pas les seuls à être dehors. 20 h 55 Place Voltaire. Le camion s’arrête à côté d’un meeting politique avec des orateurs qui réclament plus de solidarité. Le trio de Médecins du Monde s’équipe – thermos, sacs contenant des médicaments de secours, kits d’hygiène avec brosse à dent, lingettes… – et se dirige de l’autre côté de la place, vers un couple installé sur matelas.

    21 h 15

    Élie a déjà vidé la moitié d’un thermos. Pas d'Igor. Mais Hafida, la cinquantaine, a accepté le café de bon cœur. Elle paraît contente qu’on s’intéresse à elle. Elle raconte d’une traite depuis quand elle vit dans la rue, son enfance en Tunisie, sa vie de couple avec Marc. D’ailleurs le voilà qui déboule, casquette sur le front, avec un copain allemand, au nez très enflé qui ne parle pas le français. « Il y a deux jours, il s’est battu, son nez a saigné fort. Vous pourriez regarder ? » Angela s’approche. Demande la permission de l’examiner. Suggère qu’il se rende dès le lendemain dans un dispensaire pour envisager une opération. « La cloison nasale est complétement déviée, cela pourrait engendrer des complications plus tard » explique-t-elle en délivrant quelques antalgiques et en remettant un plan d’accès au dispensaire. L’Allemand témoigne sa reconnaissance avec de grandes claques dans le dos.



    21 h 20

    Élie est content de reconnaître l’homme encore jeune qui s’est approché pour saluer Hafida. Lui aussi est originaire de Tunisie. Et lui aussi a vécu dans la rue. Mais il en est sorti. Maintenant, il vit dans un foyer. Et comme il a une adresse, il a pu enclencher des démarches pour trouver un emploi et percevoir les aides auxquelles il a droit. « Sans adresse, la réinsertion est impossible » explique Élie.

    21 h 30

    Retour dans la camion et travaux d’écriture. Angela et Maria-Clara notent des observations sur des fiches : le nom des personnes rencontrées, ce qu’elles ont perçu de leur état de santé physique et mentale et de leurs besoins. « C’est parfois un peu fastidieux de rédiger toutes ces données à la lumière d’un réverbère. Surtout sachant qu’il y a du monde à voir. Mais c’est important. Cela permet à notre mission d’évaluer son travail », précise Angela.

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