Dans la Grèce d’Hippocrate, vers 400 avant J.-C., la médecine est un art public qui doit autant séduire que guérir. Il existe peu d’écoles de médecine, pas de diplôme ni de titre donnant accès à la profession. Quiconque peut s’improviser médecin. Il s’agit simplement de convaincre le public qu’on est le médecin le plus compétent comme un camelot essaierait d’attirer le chaland. Certains médecins de l’époque frisent le charlatanisme et ont recours à des effets de manche spectaculaires pour convaincre les profanes. Même les praticiens les plus sérieux doivent se conformer à cet usage auquel l’homme grec s’est habitué et qu’il réclame de façon quasi institutionnelle.
À partir du vie siècle, et plus encore de la fin du Ve se développe en effet une pratique dont les historiens peinent à expliquer la raison : le recrutement de médecins publics par les cités grecques. Chaque cité se faisait fort de posséder en ses murs un médecin à demeure toute l’année. Résultat d’une hémorragie des talents vers les riches cours perses de l’époque ? Conséquence au contraire d’une pénurie de vocations ? Nul ne le sait. Toujours est-il que le recrutement de ces médecins publics était soumis à un examen de passage devant l’assemblée du peuple de la cité. C’est donc un jury de profanes qui élit son praticien, ce que Platon dénonce dans Gorgias. En vain. En Grèce, au IVe siècle, il n’y a pas de médecine sans joute oratoire.
Au-delà de ces affrontements rhétoriques, il n’existe pas non plus de médecine qui soit privée et intime : la famille du patient est la plupart du temps présente lors de la consultation quand ce ne sont pas des badauds qui assistent à l’acte médical, voire à l’opération du malade ! L’officine d’un médecin grec n’a rien à voir avec les cabinets feutrés de nos praticiens : ce sont à la fois des lieux de consultations et d’opération où la salle d’attente est ouverte, où déambulent des badauds, parfois même un confrère venant directement porter la contradiction à son collègue pendant qu’il consulte !
C’est ainsi que les choses se passent à la naissance d’Hippocrate vers 460 avant J.-C. à Cos, une île orientale de l’archipel grec, face à l’actuelle Bodrum. Comment Hippocrate, qui crée son école de médecine à Cos vers 420 avant J.-C., est-il formé, on ne le sait guère.
Des légendes plaisantes courent à son sujet. Descendant d’Esculape ( dieu de la Médecine ), il aurait hérité de son divin aïeul toute sa science. Il est plus probable que ses nombreux voyages en Thessalie, en Thrace, en Macédoine, lui aient fourni les connaissances nécessaires à l’exercice de son
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