Par Jérôme Maufras
paru en septembre 2017
Aider N° 2
  • beaune
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  • hospices
  • humaniste
  • salins
  • La femme du Moyen Âge est un seigneur comme les autres
  • Panser les plaies du duché de Bourgogne
  • Des soignantes, pas des religieuses

Guigone de Salins maîtresse des hospices de Beaune

Noble dame du Moyen Âge, Guigone de Salins a mené avec son mari une aventure colossale et originale : la création d’un établissement hospitalier laïc pour apporter soins, réconfort, aide et consolation aux malades et aux déshérités.
Guigone de Salin, DR


Une vieille femme au port altier et au teint diaphane est penchée sur son bureau dans la pièce que l’on a coutume de nommer la « chambre de la chancelière ». Elle révise les comptes de l’exercice 1470, présenté par le maître Jean Duban devant le conseil d’administration de l’hôpital. Elle les annote, corrige, tranche quelque débat. Relevant la tête de l’ouvrage, elle voit par la fenêtre la cour intérieure de cet immense bâtiment en U, dont elle a choisi le décor et les matériaux pour en faire avec son mari Nicolas un véritable palais des pauvres. Son regard se perd sur les girouettes armoriées et les dentelles de plomb ourlant les faîtages, qui semblent des pièces de broderie sombres élancées vers le ciel bas de l’hiver bourguignon.

Puis elle se lève, vêtue du hennin blanc et de la robe grise que portent les hospitalières de Beaune. Noble de naissance, immensément riche par les revenus des salines dont elle porte le nom, elle n’a jamais connu ce dénuement. C’est elle qui l’a choisi au soir de sa vie pour devenir servante des pauvres. Elle a longuement médité sur les dits d’Égide, compagnon de saint François, qui compare l’homme riche à l’aigle attaché à une poutre : seul le détachement des richesses temporelles permet d’atteindre les richesses du ciel. Elle descend l’escalier à vis, marche sur les carreaux émaillés du sol où s’entrelacent le « N » de Nicolas et le « G » de Guigone, comme en ses demeures d’Authumes, de Présilly et de Dijon. Elle arrive dans la grande salle de près de 50 mètres de long dont elle a réglé chaque détail au moment de la construction de l’hôpital : un toit en forme de bateau renversé, barré de poutres multicolores sortant de la gueule de dragons ouvragés, des alcôves pour chaque malade plutôt qu’un dortoir afin de conserver davantage de chaleur, comme dans la montagne comtoise, mais aussi pour permettre aux malades une forme d’intimité, un carrelage, enfin, rappelant la courtoise et chevaleresque devise de son défunt mari : « Seulle ». Cette femme, la « Seulle » aux yeux de son chancelier d’époux, c’est Guigone de Salins, et cet hôpital, c’est son œuvre, les hospices de Beaune.

La femme du Moyen Âge est un seigneur comme les autres


Quand Guigone épouse Nicolas Rolin, chancelier du duc de Bourgogne et son aîné de 27 ans, le contrat de mariage témoigne de ses droits. Car contrairement aux idées reçues, les femmes nobles ont de réels droits juridiques au Moyen Âge. Ainsi, il est précisé que les biens propres de l’épouse sont inaliénables, alors qu’en cas de veuvage

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