Il leur doit beaucoup. C’est grâce à Rémi dans Sans famille de Hector Malot, à Oliver Twist de Charles Dickens, à L’Enfant de Jules Vallès et surtout à Tarzan de Edgar Rice Burroughs, en s’identifiant à eux, que Boris Cyrulnik a réussi à surmonter les épreuves de son enfance. Il y a d’abord eu l’abandon de ses parents lorsqu’il avait 4 ans ; ceux-ci, pour le protéger d’être juif, l’avaient confié à un établissement scolaire avant d’être déportés et de disparaître dans la broyeuse d’Auschwitz… Puis, il y a eu son arrestation à 7 ans lors d’une rafle à Bordeaux, son évasion le jour même, puis sa vie clandestine de cache en cache jusqu’à la Libération. Ces héros littéraires ont fait plus encore : ils ont permis au jeune Boris de transformer ses malheurs en belle aventure et lui ont montré un chemin d’accomplissement. Ainsi Boris Cyrulnik, garçon de ferme pendant l’Occupation et affecté d’un lourd retard scolaire, parvient-il à se hisser dans le rang des meilleurs. Quinze ans plus tard, parce qu’il s’est encordé à d’autres héros, Archibald Joseph Cronin, Frank Slaughter, Albert Schweitzer, tous médecins, il devient neuropsychiatre. Il vulgarisera un concept dont il est une magnifique illustration : la résilience. Soit la capacité de l’être humain, s’il est bien entouré, à reprendre un développement « sain » après avoir été en état d’agonie psychique.
Aujourd’hui, Boris Cyrulnik, 80 ans, héros de la nation française – ne l’a-t-elle pas élevé au rang d’officier de la Légion d’honneur en 2014 ? –, rend hommage à la figure du héros, qui permet de se construire : héros rencontré dans la littérature ou héros émergeant de récits racontés. Car, ainsi qu’il l’explique dans cet entretien, pour apparaître comme héroïques, les héros ont besoin de récits qui valorisent leurs mérites ou leurs exploits. D’où l’importance de reconnaître les actions des personnes qui choisissent vaille que vaille ce qui leur paraît juste. Et humain.
Comment les héros auxquels vous vous référiez enfant vous ont-ils aidé ?
Une tragédie sociale m’ayant privé de toute figure familière – mon père puis ma mère ont tous deux été déportés et assassinés –, ce sont mes héros littéraires qui me réconfortaient. Quand je pensais à eux, c’est eux qui me donnaient la force d’affronter un réel désespérant. Le Rémi de Sans famille me disait : « Je suis un enfant trouvé », et il m’indiquait un chemin de vie possible malgré tout. Tarzan, le héros qui m’a le plus accompagné dans mes années d’enfance, me racontait que, après la mort de ses parents, de gentils animaux l’avaient sauvÃ
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