Comment expliquer cette agressivité?
• L’anosognosie
Dans de nombreux cas, les personnes n’ont pas conscience de leurs pertes de mémoire. L’absence de reconnaissance de leurs propres troubles est un symptôme d’origine neurologique qui se nomme l’anosognosie. Ce symptôme peut aller d’une simple minimisation des troubles, se traduisant par un discours tel que « J’ai des petits troubles de mémoire » ou « C’est normal avec l’âge d’oublier », à un déni farouche des difficultés avec accusation de l’entourage.
Dans la situation où la personne est anosognosique et ne peut reconnaître sa perte d’autonomie, il n’est pas rare qu’elle se montre agressive vis-à-vis de ses proches, les tentatives d’aide de sa famille ne faisant pas sens : « Pourquoi accepterais- je une aide alors que je n’en ai pas besoin ? » Les personnes présentant une anosognosie éprouvent souvent un sentiment d’étrangeté vis-à-vis de leur environnement, qui leur paraît changer alors qu’eux ont l’impression de ne pas changer, justement : « Mon proche me dit que je pose en boucle les mêmes
questions alors que je ne lui demande jamais rien », « Il insiste pour faire venir une auxiliaire de vie pour la toilette alors que je me lave très bien tout seul », « Il me dit qu’il est épuisé alors qu’il est à la retraite », « Mais que se passe-t-il ? ». Ces nouvelles situations sont souvent incomprises par les patients anosognosiques, alors, dans une tentative de recherche de sens, il leur arrive d’accuser violemment leur entourage : « C’est toi qui es malade, moi je vais très bien ! »
• La souffrance psychologique
Toutes les personnes souffrant de troubles de la mémoire ne sont pas anosognosiques, certaines ont pleinement conscience de la perte de leurs capacités, ce qui peut générer une importante douleur morale. En outre, il faut noter que l’anosognosie ne protège jamais totalement de la souffrance. Dans le quotidien, les personnes présentant des troubles de mémoire maîtrisent moins bien leur environnement et sont fréquemment en difficulté. Ce sentiment d’échec est différemment perçu selon le degré d’anosognosie : si certains sont très déprimés et se dévalorisent beaucoup, d’autres peuvent paraître complètement indifférents la plupart du temps avec des courts moments de lucidité propices à la déprime. En effet, même si les personnes malades ne peuvent reconnaître verbalement la perte de leurs capacités, elles perçoivent une baisse d’efficacité dans leur quotidien, qu’elles ne s’expliquent pas mais qui est bien réelle.
Généralement c’est le proche le plus investi dans la relation d’aide qui essuie le plus d’agressivité.
Ainsi, si l’on essaie de se mettre à la place de la personne, on peut imaginer que son environnement est devenu moins clair, plus complexe : les appareils du quotidien ( la télécommande, le téléphone, le four à micro-ondes ) lui paraissent d’un usage plus compliqué ; en famille, elle se sent perdue dans les échanges avec ses proches ; dans la rue, des passants prétendent la reconnaître alors qu’elle a l’impression de les croiser pour la première fois… Ces situations d’échec sont souvent à l’origine de réactions agressives. Les personnes malades peuvent se montrer résistantes à accepter l’aide, comme pour revendiquer leur droit à décider pour elles-mêmes ou à s’auto-déterminer : « Je suis adulte et je fais ce qu’il me plaît. »
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