Sabine Melchior-Bonnet, historienne et spécialiste des mentalités* :
« Pendant des siècles, la population européenne était rurale et subsistait en partie grâce à l’entraide : un paysan malade trouvait aussitôt secours chez un voisin qui venait faucher son champ avant l’orage. Les guerres, les épidémies et les grandes catastrophes développaient le besoin de rapprochements. En ville, une vague hospitalière s’amorce aux XIIe et XIIIe siècles, portée par l’Église, qui prêche l’amour d’autrui et la charité. Des institutions d’assistance donnant des secours aux malades, infirmes et nécessiteux se mettent en place. Malgré la perte d’influence de l’Église, la société a continué de revendiquer de tels idéaux de solidarité, en luttant contre ce qui peut défaire la cohésion sociale, comme le chômage de masse, ou le vieillissement d’une population isolée ou “ parquée ”. Le terrorisme aujourd’hui, on l’a vu, a réveillé une solidarité qui s’endormait. D’une manière plus intime, n’importe quel individu n’est rien s’il n’est quelqu’un pour autrui. Et le regard d’un aidant a d’abord pour but de rendre sa place à celui qui l’a perdue, en construisant avec lui une forme de réciprocité. La famille, l’ami jouent en grande partie ce rôle privilégié, où s’expriment de part et d’autre des sentiments. »
* Elle vient de publier chez Odile Jacob Les grands hommes et leur mère (2017), où elle se demande si le destin des grands personnages de l’histoire se dessine dès l’enfance.