Dossier réalisé avec la collaboration de Cécile Aspar, psychologue et psychanalyse, et de Florence Bonté, médecin gériatre.
Se sentir coupable quand on est un aidant, proche, bénévole ou professionnel… Mais coupable de quoi ? De donner du temps sans compter à une personne en situation de fragilité ? Vu de l’extérieur, la culpabilité des aidants paraît paradoxale. Et pourtant, elle est très largement répandue. C’est Jean-Paul qui s’en veut de déborder d’énergie face à son épouse dépressive qui n’a plus goût à rien. C’est Anne-Lise qui pleure d’être traversée par le fantasme du suicide tant la prise en charge de son fils schizophrène lui pèse. C’est Antoine, médecin, qui se reproche de n’avoir pas trouvé les mots pour inciter son patient à renoncer au tabac dont il est en train de mourir. Non seulement la culpabilité est douloureuse pour celui qui l’éprouve, mais elle peut générer des comportements inadaptés vis-à-vis des personnes bénéficiaires de l’aide. Voilà pourquoi, lorsqu'on est aidant, il est nécessaire de s’arrêter sur ce ressenti.
Par Cécile Aspar, psychologue et psychanalyste
Pour les psychanalystes, la parole a une vertu transformatrice. Mais pas seulement. Parler, c’est s’adresser à un autre. C’est s’entendre. C’est prendre conscience. L’analyse de pratique, la supervision, les groupes de parole sont autant de dispositifs qui permettent de libérer la parole dans un espace qui est à la fois dédié et collectif. Les professionnels qui y prennent part peuvent évoquer leurs pratiques et réaliser l’écart entre ce qui a été vécu par eux et ce qui est perçu par les autres. Traiter dans l’après-coup une situation problématique permet de revenir sur ce qui a fait souffrir et d’opérer un travail d’élaboration. Voici deux exemples qui montrent comment le sentiment de culpabilité peut s’immiscer dans la relation d’aide. Ils témoignent parallèlement de l’importance d’un espace de parole disponible pour les aidants.
Le bébé qui ranime le bébé en soi
Patricia et Hélène travaillent toutes les deux dans un service de pédiatrie, respectivement en tant qu’infirmière puéricultrice et assistante maternelle. Un bébé prématuré souffrant de troubles graves de l’alimentation, hospitalisé plusieurs mois dans leur service, leur a laissé un souvenir empreint de culpabilité. Bien que très petit, le bébé était tonique et pleurait dès que l’équipe soignante le manipulait. Tous les actes de soin, comme installer une sonde, paraissait si pénibles pour l’enfant que Patricia se vivait comme une tortionnaire. Pour que la « torture » s’arrête le plus rapidement possible, elle travaillait vite et était de ce fait obligée de tenir fermement l’enfant et de le contraindre. Même difficulté à bien faire son travail pour l’assistante maternelle Hélène : baigner l’enfant, le langer, le nourrir déclenchaient systématiquement des pleurs violents. Pour le calmer, elle le berçait, lui fredonnait des chansons, passait du temps avec lui. Tant et si bien qu’elle a fini par s’attacher à lui d’une manière trop intense. Au point d’avoir du mal à quitter le service ou de demander de ses nouvelles en période de congés. La culpabilité de Patricia avait pour po
Se sentir coupable quand on est un aidant, proche, bénévole ou professionnel… Mais coupable de quoi ? De donner du temps sans compter à une personne en situation de fragilité ? Vu de l’extérieur, la culpabilité des aidants paraît paradoxale. Et pourtant, elle est très largement répandue. C’est Jean-Paul qui s’en veut de déborder d’énergie face à son épouse dépressive qui n’a plus goût à rien. C’est Anne-Lise qui pleure d’être traversée par le fantasme du suicide tant la prise en charge de son fils schizophrène lui pèse. C’est Antoine, médecin, qui se reproche de n’avoir pas trouvé les mots pour inciter son patient à renoncer au tabac dont il est en train de mourir. Non seulement la culpabilité est douloureuse pour celui qui l’éprouve, mais elle peut générer des comportements inadaptés vis-à-vis des personnes bénéficiaires de l’aide. Voilà pourquoi, lorsqu'on est aidant, il est nécessaire de s’arrêter sur ce ressenti.
La culpabilité des professionnels de l'aide
Par Cécile Aspar, psychologue et psychanalyste
Pour les psychanalystes, la parole a une vertu transformatrice. Mais pas seulement. Parler, c’est s’adresser à un autre. C’est s’entendre. C’est prendre conscience. L’analyse de pratique, la supervision, les groupes de parole sont autant de dispositifs qui permettent de libérer la parole dans un espace qui est à la fois dédié et collectif. Les professionnels qui y prennent part peuvent évoquer leurs pratiques et réaliser l’écart entre ce qui a été vécu par eux et ce qui est perçu par les autres. Traiter dans l’après-coup une situation problématique permet de revenir sur ce qui a fait souffrir et d’opérer un travail d’élaboration. Voici deux exemples qui montrent comment le sentiment de culpabilité peut s’immiscer dans la relation d’aide. Ils témoignent parallèlement de l’importance d’un espace de parole disponible pour les aidants.
Le bébé qui ranime le bébé en soi
Patricia et Hélène travaillent toutes les deux dans un service de pédiatrie, respectivement en tant qu’infirmière puéricultrice et assistante maternelle. Un bébé prématuré souffrant de troubles graves de l’alimentation, hospitalisé plusieurs mois dans leur service, leur a laissé un souvenir empreint de culpabilité. Bien que très petit, le bébé était tonique et pleurait dès que l’équipe soignante le manipulait. Tous les actes de soin, comme installer une sonde, paraissait si pénibles pour l’enfant que Patricia se vivait comme une tortionnaire. Pour que la « torture » s’arrête le plus rapidement possible, elle travaillait vite et était de ce fait obligée de tenir fermement l’enfant et de le contraindre. Même difficulté à bien faire son travail pour l’assistante maternelle Hélène : baigner l’enfant, le langer, le nourrir déclenchaient systématiquement des pleurs violents. Pour le calmer, elle le berçait, lui fredonnait des chansons, passait du temps avec lui. Tant et si bien qu’elle a fini par s’attacher à lui d’une manière trop intense. Au point d’avoir du mal à quitter le service ou de demander de ses nouvelles en période de congés. La culpabilité de Patricia avait pour po
Lire la suite ?
Vous êtes abonné ?
Pour lire la suite, saisissez vos identifiants
Quelle est l'adresse email avec laquelle vous vous êtes inscrit ?