Propos recueillis par Karen Benchetrit
Qu’y a-t-il de commun entre des habitants qui aident des migrants en situation irrégulière, des faucheurs anti-OGM qui arrachent une parcelle de colza ou encore des militants antinucléaire qui bloquent un train transportant de l’uranium ? Tous en appellent à la désobéissance civile. Quel sens donner à cette notion de plus en plus invoquée ? Ne constitue-t-elle pas pour la démocratie une menace, dans la mesure où elle bafoue l’État de droit ? Les réponses croisées du politologue Dominique Reynié et du sociologue Albert Ogien.
Comment définissez-vous la désobéissance civile ?
DOMINIQUE REYNIÉ C’est une notion précise qui n’est pas assimilable à de la résistance ni équivalente à l’insoumission. Parler de désobéissance civile n’est pas approprié dans un régime tyrannique, qui ne connaît pas, par définition, le principe de la liberté, de la dignité humaine, du droit ; on parle alors de résistance. La désobéissance civile ne fait sens qu’à l’intérieur d’un ordre politique qui reconnaît la valeur de ces principes. Dans ce cadre-là, elle a été formalisée pour déterminer les conditions dans lesquelles on peut transgresser la loi alors même qu’on est dans un régime où la dignité de l’humain est cruciale.
Il y a donc un paradoxe à désobéir à une loi qui est une expression de l’humanisme juridique. Après tout, dans une démocratie, les individus fascistes peuvent désobéir à la loi démocratique et ils veulent la renverser. Le grand pari de cette formule, très intéressante, la désobéissance civile, c’est bien de chercher à quelles conditions « justes » on peut désobéir à la loi démocratique. C’est en ce sens la pointe extrême, le point le plus avancé de la démocratie.
ALBERT OGIEN La désobéissance civile est à n’en pas douter une notion complexe qu’on ne peut pratiquer en dehors d’une démocratie. L’action directe non-vio
Qu’y a-t-il de commun entre des habitants qui aident des migrants en situation irrégulière, des faucheurs anti-OGM qui arrachent une parcelle de colza ou encore des militants antinucléaire qui bloquent un train transportant de l’uranium ? Tous en appellent à la désobéissance civile. Quel sens donner à cette notion de plus en plus invoquée ? Ne constitue-t-elle pas pour la démocratie une menace, dans la mesure où elle bafoue l’État de droit ? Les réponses croisées du politologue Dominique Reynié et du sociologue Albert Ogien.
DOMINIQUE REYNIÉ
Professeur des universités à Sciences Po Paris et directeur général du think tank Fondapol, il est l’auteur de nombreux ouvrages de recherche en science politique.
Il a notamment publié Les Nouveaux Populismes ( Fayard,2013 ).
ALBERT OGIEN
Sociologue, directeur de recherches émérite au CNRS et directeur de l’Institut Marcel Mauss
de l’École des hautes études en sciences sociales,
membre du Centre d’étude des mouvements sociaux.
Il est auteur avec la philosophe Sandra Laugier de Pourquoi désobéir en démocratie ? ( La Découverte, 2014 ).
Comment définissez-vous la désobéissance civile ?
DOMINIQUE REYNIÉ C’est une notion précise qui n’est pas assimilable à de la résistance ni équivalente à l’insoumission. Parler de désobéissance civile n’est pas approprié dans un régime tyrannique, qui ne connaît pas, par définition, le principe de la liberté, de la dignité humaine, du droit ; on parle alors de résistance. La désobéissance civile ne fait sens qu’à l’intérieur d’un ordre politique qui reconnaît la valeur de ces principes. Dans ce cadre-là, elle a été formalisée pour déterminer les conditions dans lesquelles on peut transgresser la loi alors même qu’on est dans un régime où la dignité de l’humain est cruciale.
"La désobéissance civile ne fait sens qu’à l’intérieur d’un ordre politique qui reconnaît la valeur des principes de liberté, de dignité humain et de droit."
Il y a donc un paradoxe à désobéir à une loi qui est une expression de l’humanisme juridique. Après tout, dans une démocratie, les individus fascistes peuvent désobéir à la loi démocratique et ils veulent la renverser. Le grand pari de cette formule, très intéressante, la désobéissance civile, c’est bien de chercher à quelles conditions « justes » on peut désobéir à la loi démocratique. C’est en ce sens la pointe extrême, le point le plus avancé de la démocratie.
ALBERT OGIEN La désobéissance civile est à n’en pas douter une notion complexe qu’on ne peut pratiquer en dehors d’une démocratie. L’action directe non-vio
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