Vos intentions ont beau être pures et généreuses, le médecin à qui vous parlez de votre proche – votre conjoint, votre enfant, votre parent – ne paraît pas l’entendre de cette oreille. Vous avez l’impression qu’il ne prend pas la mesure de l’intérêt des observations que vous essayez de partager avec lui. Pire : qu’il se montre réticent à vous laisser poursuivre. Vous ne vous trompez pas. Le médecin n’est effectivement pas réceptif à ce type d’échange. Pour plusieurs raisons.
La loyauté du médecin vis-à-vis de son patient doit être complète et totale. Quand il parle avec celui-ci, même et surtout s’il est en désaccord avec lui, le médecin doit garder une bienveillance constante et penser toujours à l’intérêt de son patient avant tout. De même, lorsqu’il est amené à parler de son patient ou à le représenter devant des autorités de contrôle (type expertise ou médecin de caisse), il doit toujours être strictement du côté de son patient et défendre les intérêts de ce dernier.
Alors quand vous parlez de votre proche à son médecin, ce n’est pas envers vous que doit s’exercer cette loyauté, mais uniquement vis-à- vis du patient, quand bien même vous auriez en commun ce médecin. Ce que vous dites n’est pas, stricto sensu, ce que ressent ou pense le malade, mais ce que vous pensez qu’il ressent ou qu’il pense. Et si pour vous cette différence n’est pas importante, elle modifie néanmoins pour le médecin, la façon dont il reçoit vos dires. Il faut dire aussi que le médecin est un drôle d’animal formé, parfois même formaté, par ses longues études et par sa pratique. Il a appris par principe à ne pas faire confiance au jugement des autres, fussent-ils ses pairs, concernant le patient ; et il s’agit là d’une vraie qualité médicale que je vais illustrer par deux exemples.
Dans le premier, un jeune médecin (votre serviteur, il y a une vingtaine d’années) alerté par la fille de sa patiente sur l’alcoolisme de celle-ci, débarque chez cette dame âgée et la trouve dans un état de confusion et d’angoisse totale : celle-ci lui explique que de grosses crevettes sortent de sous son parquet (sic) et envahissent le domicile. Il l’examine, la trouve déshydratée et un peu fiévreuse, ne l’interroge pas sur son alcoolisme (elle est trop confuse). Il l’adresse rapidement aux urgences les plus proches, sans aucun doute sur le diagnostic de «delirium tremens » consécutif à un sevrage brutal d’alcool et assez content d’avoir vu cette pathologie «comme dans les livres». Aux urgences, le médecin ne tenant guère compte du diagnostic de son confrère reprend l’interrogatoire et l’examen à zéro, et aboutit, avec l’aide d’une prise de sang et d’une radio du thorax, à un diagnostic de…pneumonie. Une infection sévère dont on sait qu’elle peut entraîner chez la personne âgée un état confusionnel. Après un traitement adapté (de la pneumonie pas du delirium tremens !), la dame regagne son domicile guérie. Ultérieurement, son médecin traitant (un peu piteux) aborde avec elle le sujet de son supposé alcoolisme. La patiente lui révèle alors que sa fille, un peu trop maternante à son goût, l’énerve quelque peu et qu’elle ne loupe jamais une occasion quand celle-ci est présente de se servir un petit verre pour bien lui montrer qu’elle entend vivre comme elle le décide et pas autrement… Le reste du temps, elle ne boit pas et n’a jamais été alcoolique, ce dont est et restera pourtant persuadée sa fille jusqu’à la fin de la vie de sa mère.
Conflit de loyauté
La loyauté du médecin vis-à-vis de son patient doit être complète et totale. Quand il parle avec celui-ci, même et surtout s’il est en désaccord avec lui, le médecin doit garder une bienveillance constante et penser toujours à l’intérêt de son patient avant tout. De même, lorsqu’il est amené à parler de son patient ou à le représenter devant des autorités de contrôle (type expertise ou médecin de caisse), il doit toujours être strictement du côté de son patient et défendre les intérêts de ce dernier.
Ce que vous dites n’est pas, stricto sensu, ce que ressent ou pense le malade, mais ce que vous pensez qu’il ressent ou qu’il pense.
Alors quand vous parlez de votre proche à son médecin, ce n’est pas envers vous que doit s’exercer cette loyauté, mais uniquement vis-à- vis du patient, quand bien même vous auriez en commun ce médecin. Ce que vous dites n’est pas, stricto sensu, ce que ressent ou pense le malade, mais ce que vous pensez qu’il ressent ou qu’il pense. Et si pour vous cette différence n’est pas importante, elle modifie néanmoins pour le médecin, la façon dont il reçoit vos dires. Il faut dire aussi que le médecin est un drôle d’animal formé, parfois même formaté, par ses longues études et par sa pratique. Il a appris par principe à ne pas faire confiance au jugement des autres, fussent-ils ses pairs, concernant le patient ; et il s’agit là d’une vraie qualité médicale que je vais illustrer par deux exemples.
La vieille dame et sa fille
Dans le premier, un jeune médecin (votre serviteur, il y a une vingtaine d’années) alerté par la fille de sa patiente sur l’alcoolisme de celle-ci, débarque chez cette dame âgée et la trouve dans un état de confusion et d’angoisse totale : celle-ci lui explique que de grosses crevettes sortent de sous son parquet (sic) et envahissent le domicile. Il l’examine, la trouve déshydratée et un peu fiévreuse, ne l’interroge pas sur son alcoolisme (elle est trop confuse). Il l’adresse rapidement aux urgences les plus proches, sans aucun doute sur le diagnostic de «delirium tremens » consécutif à un sevrage brutal d’alcool et assez content d’avoir vu cette pathologie «comme dans les livres». Aux urgences, le médecin ne tenant guère compte du diagnostic de son confrère reprend l’interrogatoire et l’examen à zéro, et aboutit, avec l’aide d’une prise de sang et d’une radio du thorax, à un diagnostic de…pneumonie. Une infection sévère dont on sait qu’elle peut entraîner chez la personne âgée un état confusionnel. Après un traitement adapté (de la pneumonie pas du delirium tremens !), la dame regagne son domicile guérie. Ultérieurement, son médecin traitant (un peu piteux) aborde avec elle le sujet de son supposé alcoolisme. La patiente lui révèle alors que sa fille, un peu trop maternante à son goût, l’énerve quelque peu et qu’elle ne loupe jamais une occasion quand celle-ci est présente de se servir un petit verre pour bien lui montrer qu’elle entend vivre comme elle le décide et pas autrement… Le reste du temps, elle ne boit pas et n’a jamais été alcoolique, ce dont est et restera pourtant persuadée sa fille jusqu’à la fin de la vie de sa mère.
Le patient pas malade
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