D'après l'histoire de Marie-Jo
Je suis la fille de la Lozère, la femme de mon village où tout le monde me connaît et, depuis plus de trente ans, je suis la mère de mes deux garçons. Ma vie est liée aux gens que j’aime et à mon pays. Un lien viscéral. Je suis toujours restée fidèle au Tarn, à la montagne, aux saisons, à la cueillette des champignons, à l’épicerie du village, aux discussions sur la terrasse du café, à ma famille, à la sève qui coule dans mes veines et même aux hommes qui m’ont quittée. Une fidélité parfois teintée de colère, mais que je n’ai jamais remise en question.
J’aime la Lozère parce que c’est une terre sans état d’âme qui te donne rarement l’impression de vouloir te faciliter la vie mais qui te porte et t’accompagne. Ici les gens se connaissent, les gens parlent et, quand je marche dans la rue, je sens ces regards auxquels il est difficile d’échapper. Une terre entière et solidaire. La première chose que je n’ai jamais pu faire, c’est partir m’enterrer ailleurs parce que ailleurs ce ne sera jamais mieux qu’ici.
Vivre ici quand tout va bien est un acte de naissance, mais quand les problèmes surgissent ta vie devient un défi quotidien parce que tout est trop loin et que tout est trop fort. Le village se transforme en caisse de résonance, et pour en sortir il te faut souvent parcourir des kilomètres sur des routes qui tournent dans tous les sens.
Il y a quinze ans environ, juste au moment d’entrer dans l’âge adulte, mon fils cadet est devenu schizophrène ; personne dans la famille n’a rien vu venir, ou alors trop tard, de toute façon quand la schizophrénie apparaît c’est déjà trop tard. Ma vie a basculé, nos vies ont basculé.
Les souvenirs sont là, précis, presque banals. Au début, l’espoir a été un moteur essentiel. Je cultivais l’idée d’une rupture grave mais provisoire, avec la perspective d’une guérison même partielle. Je refusais certainement de voir la réalité en face, c’est sûr, je restais convaincue que le printemps allait revenir, un printemps tardif et magnifique comme en Lozère. Il faut voir les fleurs qui foisonnent dans les champs, il faut s’imprégner des couleurs et des odeurs qui jaillissent, il faut écouter le Tarn qui gonfle et puis qui s’adoucit… Quand le printemps surgit, on se plaît à deviner l’été, à se réjouir de l’automne et à se moquer des rigueurs de l’hiver. Ici, le printemps est un vrai commencement.
J’ai attendu le retour du printemps pour mon fils pendant quelques années avant d’accepter que les beaux jours ne reviendraient pas tout seuls, il fallait partir les chercher. En vérité, je ne savais rien. Avec mon ex-mari, nous avons dû apprendre à construire un espace commun pour accompagner notre enfant, chacun avec ses croyances parfois différentes, parfois opposées, mais finalement toujours fragiles et toujours ensemble.
En revanche, au village, pour savoir, ah ça, on savait ! J’ignore comment ça se passe en ville, mais chez nous la maladie te suit de partout. À partir du moment où mon gamin est parti à la dérive, j’étais assimilée à lui, à la maladie. Quand je croisais des gens à l’épicerie, au bar, à la boulangerie, j’avais l’impression que chacun voulait m’offrir quelque chose : un peu de réconfort, un peu d’encouragement, un peu d’indifférence. Et parfois : un bon conseil ! On manque de tout à la montagne sauf de « bons conseils » !
Je suis la fille de la Lozère, la femme de mon village où tout le monde me connaît et, depuis plus de trente ans, je suis la mère de mes deux garçons. Ma vie est liée aux gens que j’aime et à mon pays. Un lien viscéral. Je suis toujours restée fidèle au Tarn, à la montagne, aux saisons, à la cueillette des champignons, à l’épicerie du village, aux discussions sur la terrasse du café, à ma famille, à la sève qui coule dans mes veines et même aux hommes qui m’ont quittée. Une fidélité parfois teintée de colère, mais que je n’ai jamais remise en question.
J’aime la Lozère parce que c’est une terre sans état d’âme qui te donne rarement l’impression de vouloir te faciliter la vie mais qui te porte et t’accompagne. Ici les gens se connaissent, les gens parlent et, quand je marche dans la rue, je sens ces regards auxquels il est difficile d’échapper. Une terre entière et solidaire. La première chose que je n’ai jamais pu faire, c’est partir m’enterrer ailleurs parce que ailleurs ce ne sera jamais mieux qu’ici.
Vivre ici quand tout va bien est un acte de naissance, mais quand les problèmes surgissent ta vie devient un défi quotidien parce que tout est trop loin et que tout est trop fort. Le village se transforme en caisse de résonance, et pour en sortir il te faut souvent parcourir des kilomètres sur des routes qui tournent dans tous les sens.
Juste au moment d’entrer dans l’âge adulte, mon fils cadet est devenu schizophrène.
Il y a quinze ans environ, juste au moment d’entrer dans l’âge adulte, mon fils cadet est devenu schizophrène ; personne dans la famille n’a rien vu venir, ou alors trop tard, de toute façon quand la schizophrénie apparaît c’est déjà trop tard. Ma vie a basculé, nos vies ont basculé.
Plus de printemps pendant longtemps
Les souvenirs sont là, précis, presque banals. Au début, l’espoir a été un moteur essentiel. Je cultivais l’idée d’une rupture grave mais provisoire, avec la perspective d’une guérison même partielle. Je refusais certainement de voir la réalité en face, c’est sûr, je restais convaincue que le printemps allait revenir, un printemps tardif et magnifique comme en Lozère. Il faut voir les fleurs qui foisonnent dans les champs, il faut s’imprégner des couleurs et des odeurs qui jaillissent, il faut écouter le Tarn qui gonfle et puis qui s’adoucit… Quand le printemps surgit, on se plaît à deviner l’été, à se réjouir de l’automne et à se moquer des rigueurs de l’hiver. Ici, le printemps est un vrai commencement.
J’ai attendu le retour du printemps pour mon fils pendant quelques années avant d’accepter que les beaux jours ne reviendraient pas tout seuls, il fallait partir les chercher. En vérité, je ne savais rien. Avec mon ex-mari, nous avons dû apprendre à construire un espace commun pour accompagner notre enfant, chacun avec ses croyances parfois différentes, parfois opposées, mais finalement toujours fragiles et toujours ensemble.
En revanche, au village, pour savoir, ah ça, on savait ! J’ignore comment ça se passe en ville, mais chez nous la maladie te suit de partout. À partir du moment où mon gamin est parti à la dérive, j’étais assimilée à lui, à la maladie. Quand je croisais des gens à l’épicerie, au bar, à la boulangerie, j’avais l’impression que chacun voulait m’offrir quelque chose : un peu de réconfort, un peu d’encouragement, un peu d’indifférence. Et parfois : un bon conseil ! On manque de tout à la montagne sauf de « bons conseils » !
Lire la suite ?
Vous êtes abonné ?
Pour lire la suite, saisissez vos identifiants
Quelle est l'adresse email avec laquelle vous vous êtes inscrit ?