Par Charlotte Chaulin
paru en avril 2018
Aider N° 4
    • Familles plus aimantes aujourd'hui
    • De l’enfant délaissé au jeune Tanguy
    • Les parents : plus contraints par l’Église ou par la loi, de rester unis
    • Indétrônables grands-parents dans le coeur de leurs petits-enfants
    • Solidaires et aidants

    Famille je t’aime, et j’ai besoin de toi

    Comment se porte la solidarité entre les générations depuis que la famille n’est plus ce qu’elle était et qu’elle se décline en plusieurs configurations ? Eh bien, n’en déplaise aux nostalgiques d’un avant idéalisé, plutôt bien. Sans la famille d’ailleurs, le nombre de laissés-pour-compte serait plus important.
    Dimanche midi. Toute la famille – parents, enfants, grands-parents – est réunie autour de la table de la salle à manger. Les discussions auxquelles jeunes et vieux prennent part sont entrecoupées d’éclats de rire. Une atmosphère chaleureuse et solidaire se dégage de cette scène hebdomadaire... rêvée. Qui ressemble à une image d’Épinal quand on la passe au crible des études sociologiques sur la famille moderne. Non seulement, la famille traditionnelle – papa, maman et leurs enfants – n’existe plus en tant que modèle unique. Désormais, elle peut prendre plusieurs configurations : familles monoparentales, familles recomposées, familles à parents multiples. Les techniques de reproduction de type PMA (procréation médicalement assistée) ou GPA (gestation pour autrui) ont bouleversé les modes de reproduction habituels. Mais aussi les familles n’ont plus peur de se disperser aux quatre coins du monde, ce qui rend les occasions de regroupements familiaux rares. D’où un regret qui s’empare de nous : n’étions-nous pas plus soudés autrefois ? Au temps où les générations vivaient à proximité les unes des autres ?


    Familles plus aimantes aujourd'hui


    « Nous sommes victimes d’une myopie historique », affirme la sociologue Cornelia Hummel, maître d’enseignement et de recherche à l’université de Genève. Au terme de nombreuses enquêtes, elle peut l’affirmer aujourd’hui : « Notre époque se caractérise par une solidarité intergénérationnelle familiale forte qui circule dans tous les sens, et qui est teintée de beaucoup d’amour. »

    Diverses études montrent, qu’en effet, on aide moins ses ascendants par devoir ou crainte de décevoir les figures tutélaires qu’ils représentent que parce qu’on les aime sincèrement. Par ailleurs, ça n’était pas mieux avant ! C’était même franchement pire. La preuve ? Des historiens ont retrouvé des documents datant du xviie siècle, qui mettent en garde les aînés sur les intentions criminelles de leurs descendants soucieux de se débarrasser de bouches inutiles. « Attention, ne partez pas en balade dans la forêt avec vos enfants, ils pourraient vous y abandonner en vous attachant à un arbre. »

    Étonnants liens familiaux : ils se sont approfondis au fil des siècles alors même que les membres de la famille ont beaucoup changé.

    De l’enfant délaissé au jeune Tanguy


    Ah..., les enfants ! Ils ne se rendent pas compte que lorsque leurs parents leur reprochent de s’isoler dans leur chambre ou sur leur téléphone portable, c’est qu’au fond, ils regrettent de ne pas passer assez de temps avec eux. Pour qu’un moment familial soit vraiment réussi, leur présence d’ « enfant » est requise. Une conquête pour eux. Car il n’en a pas toujours été ainsi. L’enfant n’a de statut reconnu que depuis le xviiie siècle. C’est un taux de natalité en baisse en France entre le XVIIe et le XIXe siècle, qui a permis que la progéniture devienne un bien précieux investi par ses parents, aimé par sa mère. Comme l’a démontré la philosophe Élisabeth Badinter, l’amour maternel n’est pas inné et de toute éternité, mais c’est un acquis culturel. Il a fallu plusieurs siècles pour que l’enfant ne soit plus un objet façonnable par ses parents, mais un être à part entière, doté d’une conscience et d’une personnalité, que les parents accompagnent désormais dans son épanouissement en tant qu’individu. L’enfant n’est plus construit par l’adulte, mais il se interconstruit avec l’adulte. Une convention de l’UNESCO datant de 2002 reconnaît le droit des enfants. La plupart des parents le reconnaissent aussi. Depuis la fin du siècle dernier, l’augmentation de la durée des études, puis la difficulté à accéder à un emploi stable, sésame pour louer un appartement, retarde le départ des enfants du domicile de leurs parents. Alors qu’on reproche aux enfants de ne pas « être famille », certains, au contraire, restent jusqu’à trente ans passés chez leurs parents et acceptent volontiers leur soutien financier en attendant de trouver un travail.

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